lundi 18 février 2013

Pour une nouvelle dynamique de mobilisation citoyenne !

L'austérité n'est pas une fatalité : pour une nouvelle dynamique de mobilisation citoyenne !
Les marchés financiers ont accordé un répit précaire à la zone euro. Les taux d'intérêt sur les dettes publiques se sont détendus, même s'ils restent insupportables pour des pays comme le Portugal ou l'Espagne. Pourtant, les politiques d'austérité continuent d'étouffer les peuples et provoquent de terribles dégâts sociaux : la Grèce connaît même un risque d'effondrement sanitaire. Les vices de construction de l'euro n'ont pas été réparés, la recherche effrénée de compétitivité par la baisse des salaires et des dépenses enfonce la zone dans la dépression.
A l'instar de ses voisins, le gouvernement français inscrit sa politique économique dans la stricte orthodoxie voulue par les marchés. La crise va continuer à  s'aggraver et le chômage à progresser.
Dans ce contexte, le Collectif pour l'audit citoyen de la dette publique estime urgent de relancer le débat sur les alternatives à l'austérité. Nous le ferons en poursuivant l'audit citoyen de la dette et en approfondissant notre démarche d'éducation populaire, en proposant le lancement de « Tribunaux des fauteurs de crise » au plan local et national, en mobilisant largement pour la préparation de l'Altersommet que les mouvements sociaux européens organisent à Athène début juin 2013.
1. Des marchés temporairement rassurés, mais une crise qui s'aggrave
Début 2013, les gouvernements et les instances européennes s'auto-congratulent. L'orage qui secoue la zone euro depuis trois ans semble s'être éloigné. La politique de la Banque centrale européenne a calmé le jeu : elle a inondé les banques européennes de liquidités à très bon marché et annoncé qu'elle achèterait « sans limites » sur le marché secondaire les obligations des États en difficulté à condition qu'ils appliquent une austérité sans failles.
La zone euro est-elle pour autant tirée d'affaires ? Certainement pas, car aucun réel remède n'a été apporté à ses failles essentielles. Ouverte aux mouvements de marchandises et de capitaux provenant du monde entier, elle est soumise à une intense pression commerciale et spéculative ainsi qu'à des chocs majeurs comme celui de 2008. En son sein, elle a organisé la concurrence fiscale, qui a entraîné la chute des recettes publiques et creusé les déficits. Elle a promu la compétition salariale et sociale vers le bas. Elle a interdit à sa Banque centrale de financer ses déficits, laissant ainsi les spéculateurs jouer avec les dettes publiques. L'Union européenne a maintenu son budget au niveau très faible de 1% de son PIB, s'interdisant ainsi toute politique de développement et de solidarité. En se fondant sur les seuls critères financiers, les pays de la zone euro ont échoué à faire converger leurs trajectoires économiques. La démocratie a été marginalisée au nom de l'efficience des marchés.
Aucune de ces failles n'a été comblée par les récentes réformes de la gouvernance de la zone euro. La taxation sur les transactions financières est annoncée par onze pays de la zone euro pour 2014, mais son ambition régulatrice demeure très incertaine. La spéculation mondiale sur les produits dérivés s'est encore renforcée depuis 2008, et les marchés financiers connaissent actuellement une nouvelle bulle. L'Union bancaire européenne prévue pour 2014 et la possibilité de recapitalisation directe des banques par les instances européennes n'éloignent aucunement les facteurs d'instabilité financière toujours présents, voire aggravés. Le « Pacte de croissance » vide de contenu n'a servi qu'à justifier la ratification par la France du Pacte budgétaire.
Dans ce contexte, les gouvernements européens mènent de façon coordonnée des politiques d'austérité aux conséquences économiques et sociales désastreuses. Ils réduisent l'emploi public, coupent dans les dépenses de protection sociale et dérégulent les marchés du travail pour faciliter les affaires des grands groupes. Le chômage et la précarité s'envolent, affectant tout le salariat et plus particulièrement les femmes, les jeunes, les migrants. Les investissements indispensables aux services publics, au logement social et à la transition énergétique sont sacrifiés. Si les effets de ces politiques sont particulièrement dramatiques en Grèce, en Espagne et en Portugal, les mêmes tendances sont partout à l'œuvre avec pour conséquence une généralisation de la récession en Europe, l'Allemagne, présentée comme un parangon de vertu, étant désormais elle-aussi touchée.
Les dirigeants européens ne mènent pas ces politiques par erreur : ils ont choisi de mettre la crise à profit pour parachever en peu d'années le démantèlement du modèle social européen, jugé trop protecteur et insuffisamment compétitif dans la concurrence mondialisée. Ce faisant, ils mettent en danger la démocratie en Europe.
2. En France, des choix gouvernementaux décevants
La politique économique de François Hollande, après quelques mesures fiscales utiles prises en début de mandat, s'enlise aujourd'hui dans les ornières déjà creusées depuis trente ans. Au nom de la baisse du coût du travail, le « pacte de compétitivité » rajoute 20 milliards d'euros (coût du Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi) à une déjà très coûteuse politique d'exonérations de charges sociales (30 milliards d'euros) qui dope plus les dividendes que l'emploi. La hausse de la TVA, destinée à financer ces cadeaux fiscaux aux entreprises, va réduire le pouvoir d'achat des classes populaires. L'accord interprofessionnel sur la réforme du marché du travail, signé par des syndicats minoritaires, va faciliter les licenciements sans apporter de réels nouveaux droits. La réforme des banques, en cours de discussion au Parlement, risque de n'être qu'un faux-semblant. Les allocations familiales et les retraites sont mises au menu de nouvelles réformes régressives.
Le gouvernement se félicite d'avoir rassuré les milieux financiers. Il est vrai que la France bénéficie actuellement de taux d'intérêts historiquement bas sur les obligations d'État. Cette situation semble rendre moins aiguë la question de la charge de la dette publique. Mais ce répit est causé par l'afflux en Europe de capitaux anglo-saxons en quête de rendements à court terme: il n'est pas durable. En privilégiant les profits des entreprises, la flexibilité, la fiscalité indirecte, la baisse des dépenses publiques, le gouvernement français alimente la spirale de l'austérité compétitive qui organise la récession européenne. Les marchés financiers, instables et moutonniers comme d'habitude, peuvent inverser à tout moment leur lecture de la situation et recommencer à spéculer contre les maillons faibles de la zone euro, dont la France.
Au plan politique la déception des électeurs qui avaient voté pour un véritable changement pourrait nourrir une droite dure et une extrême-droite arrogante, comme dans d'autres pays européens.
Pour inverser la tendance, les mouvements sociaux et citoyens doivent d'urgence coordonner leurs efforts, au plan national et européen, pour construire leurs solidarités, proposer des alternatives et offrir des perspectives de luttes et de mobilisations conjointes. Le collectif d'audit citoyen peut apporter une importante contribution en ce sens.
3. L'urgence de réponses alternatives et de luttes convergentes : le rôle de l'audit citoyen
Le collectif national pour l'audit citoyen de la dette publique constitue aujourd'hui un cadre unitaire large et précieux, rassemblant une trentaine d'organisations syndicales et associatives soutenues par des partis politiques. Il s'appuie sur une centaine de collectifs unitaires locaux, dont la plupart était représentés à la réunion nationale du 12 janvier 2013. Le collectif national et les collectifs locaux ont mené depuis plus d'un an une intense activité d'éducation citoyenne autour des enjeux de la dette publique, avec la production d'un matériel militant et pédagogique abondant et de qualité, la tenue de centaines de réunions, la mise en chantier d'audits locaux des finances publiques, l'interpellation d'élus locaux et nationaux. La campagne contre la ratification du Pacte budgétaire a permis d'intensifier cette activité ; et la formation d'un réseau des initiatives d'audit citoyen (ICAN), qui se réunit les 16 et 17 février à la rencontre de Thessalonique a contribué à lui donner une dimension européenne.
La configuration retenue initialement par le collectif – organisations du mouvement social soutenues par des partis politiques – a été réaffirmée et se retrouve dans le processus d'Altersommet européen, lancé en novembre dernier à Florence par un large collectif d'organisations associatives et syndicales issues de 20 pays et soutenu par de nombreuses personnalités européennes. Dans de nombreux pays européens, des mouvements sociaux, des syndicats et des partis politiques participent à ce processus pour proposer une refondation des politiques européennes. Ces mouvements se mobiliseront le 8 mars, journée mondiale de luttes des femmes et à l'occasion sommet européen des chefs d'Etat à Bruxelles les 13 et 14 mars 2013. Ils se rencontreront à Tunis lors du Forum Social Mondial fin mars. Début juin un sommet européen alternatif se tiendra à Athènes, l'un des hauts lieux de la résistance populaire européenne.
Le collectif national et les collectifs locaux d'audit citoyen inscrivent leur action dans la durée, pour que les citoyens s'approprient les enjeux majeurs qui déterminent leur devenir, en s'affranchissant du chantage à la dette et à la compétitivité. Nous devrons mener notre action en partant du plan local, de l'éducation populaire, de l'action citoyenne ancrée dans les réalités, tout en tissant des liens avec les mobilisations nationales, européennes et internationales sans lesquelles le rapport des forces ne pourra être modifié.
Les priorités de notre action dans les mois à venir seront les suivantes :
* approfondir l'audit national et les audit locaux :
Nous réaffirmons la validité de notre démarche d'éducation citoyenne sur la dette, ses origines, sa légitimité, les alternatives à l'austérité aujourd'hui présentée comme seule politique possible.
- afin de contraindre les autorités publiques à répondre à nos questions sur la dette, le collectif va solliciter la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire et demandera à être associé à ses travaux ; parallèlement un groupe de travail national poursuivra l'expertise sur l'audit citoyen, en y incluant la dette sociale.
- les démarches d'audit local des collectivités et hôpitaux publics seront poursuivies et développées, avec en particulier des formations proposées aux militants locaux ; nous approfondirons l'analyse critique du financement local (gel des dotations publiques, réformes de la fiscalité locale dans le cadre des prochaines lois de décentralisation, traitement des dossiers de prêts toxiques).
* favoriser les résistances locales et nationales à l'austérité :
De nombreux collectifs sont engagés dans des actions concrètes pour informer sur la dette, dénoncer les politiques d'austérité, soutenir les luttes sociales partout en France. Un cadre commun de mobilisation sera développé pour coordonner l'action des collectifs autour de luttes et d'enjeux concrets : nous proposons la mise en place d'un processus de « Tribunal des fauteurs de crise » qui, sur des dossiers précis choisis localement et dans un format commun avec le maximum de partenaires, visera à identifier les responsables, à monter des enquêtes citoyennes, à mettre en débat des actions et des alternatives.
 * nourrir les solidarités européennes et l'Altersommet : 
Le collectif a dès son origine pris des initiatives en lien avec les enjeux européens et en solidarité avec les peuples d'Europe du sud frappé par les politiques d'austérité ordonnées par la Troïka. Il s'agit de poursuivre cette action en lien avec la dynamique européenne de l'Altersommet. Pour ancrer cette dynamique européenne dans les réalités locales, le Collectif national et les collectifs locaux organiseront des caravanes / une tournée de réunions publiques d'ici à juin avec des intervenants européens autour des thématiques portées par le mémorandum des peuples de l'Altersommet. Un événement national se tiendra à Paris les 25-26 mai pour affirmer la participation des mouvements français à la construction d'un mouvement social européen.
Nous allons favoriser les échanges décentralisés et les jumelages avec des mouvements sociaux concrets de résistance dans les pays européens, notamment d'Europe du Sud, sur les conséquences des plans d'austérité (santé, éducation, logement, protection sociale, services publics, fiscalité, femmes, jeunes, droits sociaux, migrations, fermetures d'entreprises,…).

          

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