mardi 5 février 2013

Liquidateurs judiciaires : eux, ils ne font pas faillite


Les «pompiers du business» n'ont aucun intérêt à sauver l'entreprise en difficulté dont ils ont la charge. S'ils la laissent s'éteindre, ils encaissent le même gros chèque.


Les liquidations judiciaires comme celle du pôle frais du volailler Doux, en août dernier, sont reparties à la hausse en 2012 - F.LEPAGE/SIPA
Les liquidations judiciaires comme celle du pôle frais du volailler Doux, en août dernier, sont reparties à la hausse en 2012 - F.LEPAGE/SIPA
C'est Arnaud Montebourg, alors député, qui le premier avait sonné la charge : après six mois d'enquête sur le fonctionnement des tribunaux de commerce, son rapport au lance-flamme, présenté en 1998 avec son collègue socialiste François Colcombet, réclamait «une profonde révision des modes de rémunération des auxiliaires de la justice commerciale». Le futur ministre du Redressement productif parlait déjà, à l'époque, de «redresser» deux professions. En clair, de les mettre à l'amende... Dans sa ligne de mire, les fortunes colossales empochées, sur fond de scandales, par les administrateurs judiciaires - qui étudient les offres de reprise des entreprises en difficulté – et les mandataires judiciaires – qui vendent les actifs en cas de liquidation pour payer les créanciers. Las ! Le projet de loi qu'il défendit en 2001 ne put être voté avant la législature suivante. Et la droite, de retour aux affaires, jeta un voile pudique sur le dossier.  

Ces professionnels du droit, qui sont moins de 500 en France, continuent donc de vivre grassement au gré des faillites, grosses ou petites (9 défaillances sur 10 concernent des entreprises de moins de 10 salariés), lesquelles, avec 59 780 procédures de redressement ou de liquidation prononcées l'an dernier en France, sont reparties à la hausse (+ 2,7 %). Ne relevant ni de la fonction publique – ils sont rémunérés par les sociétés qu'ils sont censés prendre en charge –, ni du statut des professions libérales – le tribunal de commerce les désigne et leur confie une «clientèle» –, ils se payent en honoraires puisés dans une trésorerie... dont ils sont les seuls à détenir la clé. La pêche est bonne : leurs revenus varient, en moyenne, entre 200 000 et 300 000 e par an. «Cette pratique pose problème : elle rend toute tentative de contrôle difficile, sinon impossible», note dans un rapport récent le think tank Droits, justice et sécurités.

Ce club de juristes, qui dispose de bons relais au gouvernement, propose d'établir un filtre, en consignant à la Caisse des dépôts les émoluments des administrateurs et des mandataires judiciaires, puis d'attendre la décision du tribunal avant de virer les fonds sur le compte de l'étude. Autre proposition : lier ces rémunérations à la survie des entreprises. Car, pour l'heure, ces «pompiers du business» n'ont aucun intérêt à sauver la maison - et ses occupants, les salariés - plutôt qu'à la laisser brûler : dans les deux cas, ils encaissent la même somme... Le 14 décembre dernier, le ministre du Redressement productif, assisté de Christiane Taubira, pour la Justice, et de Benoît Hamon, pour l'Economie solidaire, a annoncé son souhait d'améliorer «l'efficacité de la justice commerciale». Les premières mesures sont attendues pour mars.

Quinze ans après sa première salve, le soldat Montebourg osera-t-il repartir à l'assaut de cette citadelle ? 


Il faut
Indexer les honoraires des mandataires de justice sur le taux de survie des entreprises dont ils reçoivent la charge.

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