vendredi 14 décembre 2012

Salaires : ceux que la crise n’empêche pas de dormir



Michel Euler/AP/SIPA
Michel Euler/AP/SIPA
L’actualité offre parfois des télescopages qui donnent à réfléchir. Celui-là donnerait presque des envies de révolution. Pendant que certains, à droite notamment, daubent sur le plan de lutte contre la pauvreté présenté mardi par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le cabinet Proxinvest vient de rendre public son rapport annuel sur les rémunérations des Pdg du CAC 40 pour l’année 2011. Elles donnent le vertige, pour ne pas dire la nausée. Elles prouvent, en tous cas, qu’il existe bien en France une catégorie de citoyens privilégiés – en réalité, les vrais assistés de ce pays – que la crise n’empêche pas de dormir. 

Alors que la France est au bord de la récession, alors que le cap des 3 millions de chômeurs a été allègrement franchi et que les plans sociaux succèdent aux fermetures d’usines, les revenus de ces grands patrons, qui avaient déjà progressé de 34% en 2010, ont continué à augmenter en 2011 de 4,4%. Quelles que soient les performances financières de leur entreprise ! L’indice boursier du CAC40 a baissé de 17% en 2011, mais leurs salaires, eux, continuent de s’envoler comme si de rien n’était. 

En moyenne, les patrons des 40 plus grosses capitalisations boursières gagnent 4,4 millions d’euros par an. Rappelons, à tout hasard, que le salaire net moyen en France est de 2082 euros et qu’il n’a augmenté que de 0,5%, c’est-à-dire 9 fois moins vite que celui de ces grands patrons ! Etonnez vous après cela que le sentiment d’injustice sociale fasse des ravages ! 

Pire, 13 de ces 40 dirigeants dépassent la barre – pourtant très haute - fixée par Proxinvest à 240 fois le Smic. C’est le cas, par exemple, de Bernard Arnault, le Pdg du groupe LVMH, (10,8 millions d’euros) qui s’apprête à s’installer en Belgique ! C’est le cas aussi de Carlos Ghosn, le Pdg de Renault-Nissan (13,3 millions d’euros) alors même que son entreprise connaît des difficultés majeures. Crise du secteur automobile ou pas, Carlos Ghosn empoche chaque année l’équivalent du salaire de 700 smicards. 

Preuve qu’au grand casino de l’ultralibéralisme, une seule règle prévaut : quand tout le monde gagne, tu gagnes ; quand tout le monde perd, tu gagnes quand même ! Il n’est qu’à voir les bonus versés chez Carrefour ou GDF Suez pour comprendre que la part variable de ces salaires ne dépend même pas de la réussite des entreprises concernées. Mieux : en 2011, la bourse ayant baissé, les stock-options ne présentent plus le même intérêt financier pour leurs bénéficiaires ? Qu’à cela ne tienne, on a remplacé l’instrument par la distribution d’actions gratuites. Joyeux Noël… 365 jours par an ! 

Il est grand temps qu’une loi permette aux assemblées générales d’actionnaires de statuer sur les rémunérations fixes et variables de ces managers dorés sur tranche. Grand temps aussi d’en finir une bonne fois pour toutes avec la consanguinité qui règne dans les comités de rémunération et qui autorise – en toute impunité – des excès que la crise et le chômage n’ont même pas contribué à calmer. 

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