samedi 8 décembre 2012

Les bons apôtres de l'insécurité


PRM/SIPA
PRM/SIPA

Vous avez aimé le (faux) débat sur la «compétitivité» ? Vous adorerez celui sur la «flexibilité»... En éclaireuse des combats décisifs, Laurence Parisot a décrété qu'il était urgent de«détabouïser le mot de "flexibilité"». La patronne des patrons applique à la lettre le principe de base du sarkozysme : accoler l'étiquette de «tabou» à toute conquête sociale que l'on veut ébranler. Ici, c'est le droit à un emploi stable qui est visé. Il faut donc parer l'offensive des oripeaux de la modernité et convaincre que le travail doit s'adapter aux exigences vagabondes du capital comme le pied à la chaussure.   

Champion de la lutte contre les tabous, le Figaro pose cette question : «Et si l'on disait le mot en "f" ?» Drôle d'interrogation, puisque les trois quarts des emplois créés sont des emplois précaires, ce qui est le comble de la flexibilité. 

>> Lire aussi : Le manège infernal du « toujour plus » 

Pourtant, il faut procéder comme si telle n'était pas la réalité, afin de faire triompher l'idée selon laquelle rien n'est plus ringard que de vouloir disposer d'un minimum de sécurité dans sa vie de salarié. Ainsi, les mêmes qui ne cessent d'accuser la gauche (non sans raisons, d'ailleurs) de ne pas avoir pris en compte le besoin de sécurité dans la cité proposent de lever la plupart des barrières destinées à assurer la protection de l'emploi, ce qui déboucherait sur une insécurité professionnelle aggravée. Quand ces grands esprits citent en exemple la «flexisécurité» testée dans les pays du nord de l'Europe, ils omettent de rappeler que ces derniers tentent de combiner flexibilité et sécurité. Eux rêvent de la «flexisécurité» sans sécurité. 

Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, groupe de réflexion néolibéral, explique dans le Journal du dimanche qu'il faut en finir avec le CDD (contrat à durée déterminée) en rendant le CDI «plus simple». En vertu de quoi il propose d'instituer «un CDI ajustable qui correspondrait à une période définie de dix-huit, vingt-quatre mois, etc.». 

Résumons. Pour se protéger du CDD, forme suprême de la flexibilité, on créerait un CDI à échéance variable, parfois très limité dans le temps, bref un CDI qui serait à l'emploi stable ce que le Canada Dry est à l'alcool. Le CDI relooké aurait l'odeur du CDI et le goût du CDD. 

Si, par hypothèse funeste, un tel schéma entrait en vigueur, le chantage à la mode Renault pourrait être généralisé. En guise de cadeau de Noël avant l'heure, le PDG, Carlos Ghosn, a présenté aux salariés de l'ex-régie publique un plateau-repas avec le menu suivant : soit vous revoyez à la baisse certaines de vos conditions de travail et de rémunération, soit nous délocaliserons en Espagne, là où les ouvriers mettent de l'eau dans leur xérès et du riz de moindre qualité dans leur paella. 

Le Monde en tire une morale exprimée par ce titre : «Compétitivité : l'Espagne défie la France». On pourrait aussi dire que le Portugal défie l'Espagne, que la Chine défie le Portugal, que le Vietnam défie la Chine, et que le Bangladesh défie le Vietnam, vu que l'on peut toujours chercher un pays où l'on accepte de travailler plus en gagnant moins. Quand on s'engage dans la course au dumping salarial, le pire est toujours possible.
 

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