dimanche 9 septembre 2012

Peut-on encore contrôler la finance mondiale ?


Certes, la spéculation n’a jamais été aussi forte contre les pays du Vieux Continent. Mais il n’est pas trop tard pour instaurer des règles mettant fin à ces dérives. A condition de choisir les bonnes !
Des attaques spéculatives en rafale sur les Etats européens, des agences de notation qui continuent de faire leur loi sur les marchés, des hedge funds qui se la coulent douce dans les îles Caïmans… Pour un peu, on croirait que rien n’a changé depuis la crise des subprimes ! «Trois ans après, les financiers n’en font toujours qu’à leur tête», s’alarme l’économiste Jean-Paul Pollin.
De fait, même si le G20 a commencé à s’attaquer au problème – il a limité les bonus des traders et imposé aux banques de renforcer leurs fonds propres – il reste encore beaucoup à faire pour mettre enfin la finance mondiale sous contrôle. La plupart des décideurs politiques jurent d’ailleurs vouloir s’y atteler. Mais comment s’y prendre ? Entre les utopies sympathiques, les fausses bonnes idées et les propositions démagogiques, les vraies solutions sont parfois difficiles à discerner. «Les réformes les plus séduisantes ne sont pas toujours les meilleures», observe Patrick Artus, de Natixis. Ces pages le confirment.
Marie Charrel
1. Les réformes efficaces et réalisables
Trois ans après le début de la crise, certaines de ces mesures commencent enfin à être étudiées par les principales autorités de régulation de la planète. Si tout va bien, quelques-unes pourraient entrer en vigueur d’ici à 2015.
Réguler le marché des produits dérivés
Aujourd’hui, 95% de ces produits financiers complexes, comme les fameux CDS («credit default swaps»), s’échangent de gré à gré, c’est-à-dire hors des marchés régulés.
Résultat : quand certains d’entre eux explosent, comme les titres bourrés de subprimes en 2008, personne ne sait quelles banques en détiennent, ni quelles sont celles risquant la faillite.
Pour mettre fin à cette opacité, l’Europe et les Etats-Unis envisagent d’obliger les financiers à effectuer leurs achats et ventes de produits dérivés par le biais de chambres de compensation. Un peu à la manière des Bourses traditionnelles, ces structures récolteraient les dépôts de garantie des participants, vérifieraient leur solidité financière et répertorieraient toutes les transactions. «Cela nous permettrait de savoir qui détourne ces produits financiers pour spéculer et de stopper la machine avant qu’elle s’emballe», explique Laurence Scialom, de Paris-X. Bien entendu, ces chambres de compensation devraient être suffisamment capitalisées pour encaisser les crises et elles aussi surveillées de près par les régulateurs. Autrement, on serait ramené au problème précédent.
Supprimer les références aux notes dans les réglementations
Un comble ! Alors que les dirigeants du G20 ne cessent de répéter que les agences de notation ne sont pas fiables et aggravent les crises, ils continuent de baser les nouvelles réglementations des banques et des assureurs sur leurs évaluations ! Ainsi les règles de Bâle III dressent-elles la liste des obligations souveraines que les établissements financiers peuvent ou non posséder en fonction des notes attribuées aux Etats émetteurs. «On marche sur la tête, s’agace l’économiste Paul Jorion. Les agences essaient de nous faire croire qu’elles sont indispensables, mais c’est faux !»
La preuve : la loi Dodd-Frank, votée l’an dernier aux Etats-Unis, prévoit que l’ensemble des réglementations financières américaines sera révisé pour en supprimer toute référence aux agences. «Les banques devront se fier à leurs services d’analyse interne, et cela ne sera pas plus mal», commente Norbert Gaillard, spécialiste des marchés financiers pour l’OCDE. Pour l’instant, l’Europe n’a rien décidé.
Encadrer le trading haute fréquence
Menés à grande échelle, ces ordres d’achat ou de vente déclenchés en moins d’un millionième de seconde par des ordinateurs augmentent la volatilité des Bourses. Dans le pire des cas, ils peuvent même provoquer des krachs éclair, comme celui du 6 mai 2010 aux Etats-Unis. Aujourd’hui, plus de 50% des transactions sur le CAC 40 sont passées par ces robots, agissant le plus souvent de façon automatique…
S’il est difficile d’envisager la suppression pure et simple de ces systèmes – autant interdire aux banques d’utiliser des logiciels – l’Europe planche sur deux types de mesures pour limiter leurs nuisances. La première serait d’instaurer un temps légal minimum entre deux transactions, de 0,5 à 1 seconde. La deuxième serait de soumettre à l’impôt ces ordres ultrarapides – la taxe de 0,01% sur les transactions financières souhaitée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel le pourrait très bien. «Cela rendrait tout de suite ces robots bien moins attrayants», note Pascal Canfin, eurodéputé écologiste et fondateur de Finance Watch, une ONG de lutte contre les abus des traders.
Naturellement, il faudrait que ces règles soient également imposées aux «dark pools». Et pendant qu’on y est, que la «colocalisation» soit bannie. Les sociétés de trading qui utilisent cette astuce vont en effet jusqu’à installer leurs ordinateurs dans les immeubles des Bourses, pour gagner quelques centièmes de seconde sur leurs concurrents…
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